Histoire

Epine-vinette

Dominik Flammer

Déclinée sous de nombreuses formes dans la cuisine suisse pendant des siècles, l’épine-vinette a pratiquement disparu de nos assiettes. Tout au plus les baies rouges allongées de cette plante au nom exotique, qui pousse également en Suisse, agrémentent-elles des plats de riz orientaux, en particulier d’Iran ou de Turquie à l’occasion. Pendant des siècles, elles ont été utilisées pour élaborer des confitures, mais aussi pour donner une coloration rougeâtre à la confiture de coings ou à la compote de pommes. Le Berberis vulgaris, son nom latin, apparaît encore régulièrement dans les anciens livres de recettes suisses jusqu’aux années 1870, avant de disparaître presque complètement des cuisines et de tomber dans l’oubli.

Cette tombée en disgrâce ne tient nullement à ses vertus culinaires, mais à une volonté de s’en débarrasser. Au XIXe siècle, on a en effet découvert que l’épine-vinette servait d’hôte intermédiaire dans le cycle de la rouille noire du blé, un champignon pathogène des céréales redouté des agriculteurs, qui le rendaient en partie responsable des pertes considérables des récoltes. Il a donc été décidé de l’éradiquer, en particulier dans toutes les régions céréalières du Plateau suisse, mais aussi en France et aux Etats-Unis, où des actions de grande envergure ont été menées pour éliminer cette plante autrefois appréciée pour ses nombreuses vertus et ses qualités ornementales.

Par conséquent, on ne la trouve pratiquement plus à l’état sauvage, si ce n’est dans les Grisons et dans d’autres vallées latérales isolées de nos pays voisins, où la culture des céréales pratiquée autrefois au-delà de la limite des arbres a été abandonnée presque complètement depuis déjà un siècle. Cette présence se reflète dans les noms triviaux variés utilisés autrefois par les habitants des Grisons, qui redoublaient d’inventivité pour qualifier cette plante, notamment en Engadine mais aussi dans certaines régions du Valais et en Suisse orientale, comme à Saint-Gall et à Schaffhouse. Aujourd’hui encore, on peut en trouver à l’état sauvage dans ces régions, à condition de savoir où chercher.

De même, on trouve également ces baies sous forme séchée dans le commerce, en particulier dans les magasins turcs et orientaux et les épiceries fines. Les baies d’épine-vinette sont particulièrement utiles aux amateurs de raisins secs, auxquels elles peuvent parfaitement se substituer. A titre personnel, j’en ai déjà utilisées pour préparer du pain aux poires, des kouglofs ou d’autres viennoiseries. Grâce à leur acidité fruitée, elles se marient aussi à merveille avec les plats à base de viande comme l’agneau ou le cabri, mais peuvent tout aussi bien accompagner des mets plus simples, par exemple mélangées à des croûtons de pain pour garnir une salade verte.

On peut également utiliser en petites quantités les feuilles tendres de l’arbuste, dont le goût se distingue uniquement de celui des baies par l’absence de fructose. J’ai récemment rendu visite à Sabina Heinrich, agricultrice bio à Filisur, dans la vallée de l’Albula dans les Grisons, dont le magasin de ferme propose de vrais délices: de petits gressins des Grisons garnis de feuilles d’épine-vinette. Le tout délicieusement accompagné de sirop de fleurs de cerisier à grappes fait maison avec des fleurs sauvages cueillies par ses propres soins. Mais j’aurai l’occasion d’y revenir plus en détail dans un prochain article.

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