Histoire

Le cuisinier et son fermier

Idylle sur la colline

Si l’on cherche à illustrer le mot «idylle» avec du contenu et des images, le «Gupf» de Rehetobel, dans le canton d’Appenzell Rhodes-Extérieures, est le lieu idéal. De sa petite cuisine, l’hôte et chef cuisinier Walter Klose a le plaisir de pouvoir admirer par temps clair le lac de Constance, bordé par des collines et des forêts aux reflets verdoyants. Juste au-dessous de la maison, dans les prairies généreuses, paissent des vaches limousines à la robe brun clair étincelante. Un peu plus en contrebas du restaurant, après les pâturages éclatants de couleurs, se trouve une immense installation d’élevage porcin.  Les cochons de lait et les cochons qui sont élevés ici constituent l’un des fondements de la cuisine de Walter Klose. Albert Zähner est le propriétaire de cet élevage de bovins et de porcins qui ne saurait être plus durable et local. L’Appenzellois fait partie intégrante de cette exploitation unique: la combinaison exceptionnelle d’une auberge chaleureuse, de l’une des caves à vins les plus spectaculaires de Suisse et d’une ferme à deux pas. De cette proximité découle un engagement tout particulier: Walter Klose fait preuve du plus grand respect pour les animaux élevés avec soin et dévouement par son ami Albert. Cela implique qu’il n’exploite et ne sert pas seulement le filet et les autres pièces nobles mais bien tous les morceaux de l’animal. Au «Gupf», les philosophies modernes telles que «Farm to table» et «Nose to tail» sont appliquées à la lettre: ici, quelques mètres seulement séparent la ferme de la table, et, pour un chef comme Walter Klose, cuisiner la totalité d’un bœuf ou d’un veau tombe sous le sens. «Un invité qui réserve toujours une table pour quatre, par exemple, commande toujours les abats de veau. C’est une des raisons pour laquelle il vient jusqu’ici», raconte Walter Klose. Le jarret lui permet de mijoter un goulash, et la provenance de la viande est totalement transparente pour les invités. S’ils le souhaitent, ils peuvent aller faire un tour à l’étable à tout moment: cela fait partie des principes de base de cette exploitation extraordinaire au sein de laquelle cuisinier et fermier travaillent en étroite collaboration.

L’atmosphère de l’étable est calme et agréable, quelques rayons de soleil percent à travers les lattes en bois pour venir illuminer trois bovins allongés paisiblement sur un lit de foin. La limousine est une race bovine d’origine française, «elle est idéale pour un élevage à cette altitude», explique l’agriculteur Albert Zähner. «Ce sont des animaux sensibles dotés d’un instinct maternel très fort», ajoute-t-il. Ils ne reçoivent pas d’alimentation concentrée, mais se nourrissent exclusivement de fleurs, d’herbe et de foin de la région d’Appenzell, qui ont un goût très différent selon la saison. Chez les porcins en revanche, l’ambiance n’est pas aussi calme que dans l’étable presque vide. Il y règne un va-et-vient incessant, des truies ainsi qu’un grand nombre de petits porcelets, appelés «Färli» en dialecte d’Appenzell, s’agitent de toute part. Ce sont 16 truies et 110 porcs charcutiers qu’Albert Zähner élève ici selon les directives IP-Suisse. Une truie met bas deux fois par an et ses portées peuvent aller jusqu’à douze porcelets chacune, «il s’agit d’une tâche parfois très exigeante», explique le fermier. La porcherie est équipée d’un chauffage au sol car «les porcelets nouveau-nés ont besoin de chaleur».

Cette installation est «LA porcherie» du village, tout le monde peut venir ici et s’assurer du bien-être des animaux. Mais selon Albert, il ne faut pas se tromper sur le sens du mot porcherie: «une truie en bonne santé vit dans l’ordre et la propreté». Pour contribuer au bien-être de ses Grands Porcs Blancs, le fermier leur donne de la nourriture triée sur le volet: céréales, marc de pommes, betterave à sucre. Selon le cuisinier Walter Klose, il s’agit de conditions idéales. Il se procure ainsi de la viande de première qualité et son respect envers le produit est accru par le fait de travailler à proximité des animaux. «Nous exploitons le cycle de la nature, cela rend l’expérience déjà toute particulière», déclare Walter Klose. Grâce aux truies, le «Gupf» est en mesure de proposer du lard, du jambon, du fromage de tête ou des côtelettes de porc fermières. Et bien sûr, du cochon de lait naturel, rôti longuement au four pour que sa viande soit tendre et sa couenne croustillante. «Le foie nous sert aussi à concocter une petite salade», explique Walter Klose. Cette idylle parfaite à 1000 mètres d’altitude est également caractérisée par le fait que le cuisinier et son fermier, formant une combinaison locale d’humilité et de connaissances, s’adaptent au cycle perpétuel de la nature et y apportent une contribution aussi sensée que pratique.

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