Histoire

Nouvelle légèreté de Giovannini

Nous respectons les produits, les convives et nos collaborateurs

Le changement dans la continuité à Crissier: au très réputé «Restaurant L’Hôtel de Ville», le nouveau chef de cuisine Franck Giovannini reste fidèle aux principes de son prédécesseur, tout en continuant à développer de façon conséquente sa signature culinaire.

Franck Giovannini incarne la tranquillité, et le «vaisseau Crissier» semble traverser l’espace sans turbulence. La grande cuisine lumineuse, dans laquelle travaillent 25 cuisiniers et pâtissiers, avec son gigantesque passe-plat elliptique ressemble un peu à une navette spatiale. Pourtant, que les choses se passent avec autant de calme et d’assurance n’est pas une évidence.

Beaucoup de choses sont restées inchangées dans le «Restaurant L’Hôtel de Ville» à Crissier, une adresse de purs délices gastronomiques unique au monde. Le restaurant a été ouvert en 1971 par Frédy Girardet, l’un des co-fondateurs de la «Nouvelle cuisine», puis repris par trois autres chefs ou propriétaires, et chacun d’entre eux s’est vu attribuer la meilleure note du «Guide Michelin» avec trois étoiles. Franck Giovannini travaille dans la conscience de cette tradition, «notre cuisine se fonde toujours sur la philosophie de Frédy Girardet: le produit est la star», explique le chef.

Le respect compte pour lui par dessus tout, comme il le dit lui-même: «Nous respectons les produits, les convives et nos collaborateurs.» Cela signifie notamment que le soin apporté à la cuisine n’est pas uniquement destiné aux convives, mais également au personnel. «Nous mangeons comme dans un bon bistrot, tout est fait maison, et aujourd’hui, il y avait par exemple du saltimbocca, de la polenta et des carottes au menu», rapporte Franck Giovannini.

Le chef jurassien, né en 1974 à Tramelan, n’a pas l’intention de se contenter de gérer la cuisine dont il a hérité, mais souhaite continuer à la faire évoluer et notamment, en allégeant encore davantage les plats. «Moins de beurre» est sa devise, ce qui peut paraître étonnant quand on relève de la cuisine française. «On affine le goût par la réduction et non par l’ajout de beurre ou de sel», explique Franck Giovannini. Il souhaite que les convives gardent l’impression d’une cuisine légère, même après avoir mangé neuf ou dix plats. Mais, c’est de façon certaine qu’il s’empresse d’ajouter: «Notre cuisine n’est pas classique. Si c’était le cas, nous cuisinerions le même plat depuis 30 ans. Or, nos plats ne cessent d’évoluer.»

Au moment de notre visite, c’est le printemps, une saison appréciée de Franck Giovannini, amateur de légumes: «J’aime les multiples couleurs et les possibilités données par les légumes frais.» En 2007, Franck Giovannini a gagné le «Bocuse de bronze» au concours de cuisine le plus important au monde. «J’y ai appris à présenter un produit de toutes les façons possibles», dit-il. «Pour moi, un plat mérite le produit juste et pas plus de deux ou trois arômes. J’accorde beaucoup d’importance aux différentes textures. Il n’existe pas de plat qui soit uniquement crémeux par exemple. Il faut apporter le croustillant, le croquant, avec un légume frais justement», explique le chef. Au printemps, ce sont des morilles ou des asperges, au début de l’été suivent les haricots verts, les chanterelles ou les tomates par exemple, que Franck Giovannini achète autant que possible de la région.

Le chef se passionne pour les mets composés d’un seul légume, comme les morilles ou encore les cardons qui ont fait la renommée de la Romandie et que cultive un paysan à Crissier exclusivement pour le «Restaurant L’Hôtel de Ville». Les plats qui en résultent doivent être «légers et beaux», et cette nouvelle légèreté doit combler les convives.

Cependant, l’un des changements les plus importants que Franck Giovannini a entrepris concerne l’organisation de la cuisine: contrairement à ses prédécesseurs, il ne reste pas au passe-plat pour valider chaque assiette. Sa place est auprès de son équipe, dit-il. Ainsi, il tourne entre chaque poste, enfourne ici un poisson, discute là avec les cuisiniers qui travaillent de grosses quantités d’asperges et salue entre-temps des convives. «Je parle avec mon personnel et ne crie pas à tue-tête. L’atmosphère de notre cuisine doit être calme, détendue, mais concentrée», explique Franck Giovannini. Parfois, il aimerait prendre une casserole ou un couteau en main, car il cuisine toujours avec autant de plaisir en définitive. L’énorme passe-plat était devenu comme un mur entre lui et l’équipe, c’est pourquoi il a embauché un chef expérimenté qui y a repris la fonction de contrôle.

À Crissier règne le principe de la cuisine «à la minute». Cela signifie que la viande ou le poisson n’est pas cuit à basse température pendant un long moment, comme c’est le cas aujourd’hui chez bon nombre de cuisiniers. La viande est saisie à la poêle puis enfournée, tandis que le poisson est souvent cuit à la vapeur: le cabillaud ou le bar ont besoin de cuire de cette façon quelques minutes à 90 degrés, assaisonnés alors simplement d’un peu d’huile d’olive et de sel.

À la question de savoir si la pression qui règne dans une maison comme celle-ci lui pèse, Franck Giovannini sourit avec douceur: «Je travaille depuis près de 22 ans ici, la pression a toujours fait partie du travail», répond-il. «Je n’ai pas voulu mes nouvelles fonctions, Benoît et moi voulions en fait nous arrêter ensemble.» Le destin en a voulu autrement et Giovannini en a tiré le meilleur parti pour une raison toute simple: «Cette maison est un endroit merveilleux pour cuisiner», dit-il en concluant sur une note sucrée.

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