À seulement 28 ans, Silvio Germann, le chef de cuisine à l’«IGNIV by Andreas Caminada» à Bad Ragaz, a déjà engrangé bien des succès. Chaque jour, il travaille sur les saveurs des plats qu’il servira – et il a décidé de devenir plus patient.
À 14 heures ce samedi, l’IGNIV est encore très calme. Les tables dans la salle ne sont pas dressées et, de la cuisine déserte, on entend seulement le ronflement monotone des réfrigérateurs. Certes, plats de verre, présentoirs et autres récipients se tiennent déjà au garde-à-vous sur les plans de travail nettoyés, mais ils ne seront remplis que dans quelques heures.
Silvio Germann paraît donc calme et détendu. Ce sympathique Lucernois est responsable du panorama culinaire proposé par le premier restaurant IGNIV qu’Andreas Caminada a ouvert fin 2015 dans le luxueux et spacieux Grand Resort Bad Ragaz. Le concept de partage des plats entre tous les convives à table a fait sensation dans le monde gastronomique suisse.
Le GaultMillau Suisse a couronné Silvio Germann «Découverte de l’année», tandis que son confrère et restaurateur Francesco Benvenuto a reçu le titre de «Sommelier de l’année». Le guide gastronomique influent a déjà accordé 17 points d’excellence à ce restaurant original. Pour Silvio Germann, ce fut un beau parcours, rondement mené. Maintenant que l’euphorie initiale s’est quelque peu estompée, l’heure est venue de démontrer ce dont l’IGNIV est capable. Pour le cuisinier, la situation ne pouvait être meilleure pour démarrer. «Nous pouvons grandir et apprendre, mais nous n’avons rien à perdre», affirme-t-il.
Bien sûr, sa cuisine n’est plus tout à fait la même qu’à ses débuts. D’un côté, son chef Andreas Caminada lui laisse une grande marge de manœuvre pour élaborer son concept. De l’autre, il sait désormais ce qui fonctionne dans le concept de menu partagé et ce qui ne fonctionne pas. Il explique: «Il faut veiller à ce que toutes les parties d’un mets soient aussi bonnes les unes que les autres». Quand chaque convive se sert dans un même plat, il a notamment besoin de se servir de la bonne quantité de sauce pour que les arômes se répartissent uniformément. Et naturellement, tout ne se prête pas au partage. Ainsi par exemple, Silvio Germann ne proposerait pas de jaune d’œuf confit qui risquerait de’éclater et de couler.
Selon lui, sa cuisine s’est allégée. Quand on commande un menu de trois services à l’IGNIV by Andreas Caminada, on se voit servir une vingtaine de choses différentes. Le tout ne doit donc pas être trop lourd. Silvio Germann utilise en outre diverses sources d’acidité comme du jus de lime ou de citron, ou du vinaigre balsamique, pour donner des notes de fraîcheur et de légèreté. «La voie que je suis est celle d’une cuisine simple où trois composants doivent suffire à former un plat», précise-t-il. Sans oublier qu’il vient de l’école d’Andreas Caminada, qui mise sur l’aspect et le goût en jouant avec des ingrédients souvent simples, connus, mais travaillés avec finesse. Et surtout avec les saveurs.
Finalement, qu’est-ce qui fait qu’une cuisine est bonne? Et Silvio Germann de répondre: «On a besoin tout d’abord de temps et de patience pour élaborer une sauce avec soin par exemple». Ensuite, le dosage des différents ingrédients est déterminant: quelquefois, il faut une pointe de douceur bien ciblée ou un peu plus d’acidité, d’autres fois, la solution, c’est du beurre. «C’est une question d’expérience», dit le cuisinier. On affine son instinct au fur et à mesure qu’on travaille sur un plat.
Il reconnaît cependant que la patience lui fait parfois défaut. Récemment, une idée lui est venue avec de l’orge, mais cette céréale doit d’abord gonfler dans l’eau, ce qui prend du temps. «Mon problème est que, lorsque j’ai une idée en tête, j’aimerais savoir tout de suite ce qu’elle donne en réalité», dit Silvio Germann. Même s’il se montre calme et patient dans ses relations personnelles, cela ne va jamais assez vite pour lui dans la mise en œuvre de ses idées. Mais il y travaille et il s’améliore, affirme-t-il avec optimisme. Dans son temps libre, il joue depuis peu au golf. «Peut-être que cela m’aidera à pratiquer l’art de la patience», indique Silvio Germann dans un éclat de rire. Ce sport est comme un bon plat, il faut y consacrer du temps. Une partie ne se joue jamais en moins de deux ou trois heures. Il aime toutefois ces moments privilégiés au cœur des Grisons où il faut irrémédiablement faire de la place dans son esprit. Il a vite appris que le golf était surtout un défi mental.